DOMAINE MILITAIRE


“L'ennemi invisible est
le plus redoutable”
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Jacques Garneau - Auteur
Imaginons qu’un jour le camouflage soit tellement performant que nous ne verrions plus, à l’horizon, un seul uniforme kakis… Pourtant ils serait toujours là juste sous nos yeux. De nos jours les techniques de camouflages visuels sont compliqués à mettre en place ou inadaptables selon les différents environnements. Nous allons ici commencer par étudier l’idée principale que nous avons du caméléon : son camouflage.
L'as du camouflage
Le caméléon a une réputation de pro du camouflage, les spécialistes disent depuis des lustres que cet étrange lézard change de couleur pour se camoufler dans le décor qui l’entoure. Mais depuis peu, des chercheurs ont démontré que cet animal a la peau naturellement verte et qu’il change de couleur uniquement pour être visible lors des combats avec d’autres mâles. Mais ces chercheurs n’ont pas seulement découvert ça.
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Artiste asiatique réalisant du body-painting en camouflage.
Le 5 mars 2015, une collaboration de chercheurs des sections de biologies et de physiques à la Faculté des sciences de l’Université de Genève (UNIGE) ont publié leures découvertes sur le caméléon. Le groupe codirigé par Michel Milinkovitch et Dirk van der Marel, des experts en physique quantique et en biologie de l’évolution, ont mené des expériences sur le caméléon panthère durant plusieurs années. Jusque là nous croyons que ce reptile cachait sous sa peau un système pigmentaire complexe mais nous étions loin du compte; au terme de leurs expériences, ils démontrent que les changements s’opèrent via le réglage actif d’un maillage de nanocristaux, les iridophores. Mais comment le caméléon procède-t-il à ce changement de couleur?
Lors d'expériences effectuées sur un caméléon panthère, une espèce malgache connue pour ses couleurs très marquées, les scientifiques ont découvert deux couches d’iridophores. Les lézards de la même famille n’en possèdent qu’une seule pour réfléchir la lumière. Mais le caméléon possède deux couches de ces cellules composées de petits cristaux de Guanine. Ces deux strates possèdent des fonctionnalités différentes, la première (la plus profonde) est celle identique à tous les lézards. Elle est composé de gros cristaux désordonnés qui réfléchissent la lumière (nous verrons cela dans la 3ème partie). Mais la deuxième, situé en surface de l’épiderme, est constituée aussi de cristaux mais ceux-là sont plus petits et très ordonnés. Les cristaux sont disposés à égale distance les uns des autres et ont tous la même taille. Les scientifiques ont calculé la taille de ces cristaux en réalisant une découpe de la peau du caméléon a l’aide d’un couteau de diamant. Une première couche semi-mince de 2 mm et une ultra-mince de 80-90 nm ont été réalisées. Puis ces couches ont permis, à l’aide d’un microscope électronique, d’observer la composition et la disposition de ces nanocristaux. La taille des cristaux a été calculé à 149.7 nm de longueur et 94.7 nm de hauteur.
Lorsque le caméléon est au repos, il réfléchit de courtes longueurs d’ondes qui s’ajoutent aux pigments jaunes, naturellement présent dans la peau de l’animal, pour faire, par synthèse additive, du vert. Les biologistes émettent l'hypothèse que lorsque le caméléon est excité par la présence d’un autre mâle ou d’une femelle convoitée, il écarte ses cristaux pour changer la couleur perçue. Pour vérifier leurs intuitions, les chercheurs ont fait appel à un spécialiste de la spectroscopie optique, le professeur Jérémy Tayssier, pour réaliser des clichés de cette strate. Ils ont donc, ensemble, photographié le caméléon au repos et lorsqu'il est excité, afin de pouvoir comparer les clichés. Ils ont ensuite réalisé des modélisations 3D dont voici les images.
Cliché de l'espace inter-cristaux au repos (à gauche) et à l'état exité (à droite).
Réalisation 3D des cristaux au repos (en haut) et à l'état exité (en bas).
Comme nous pouvons le voir, la disposition des cristaux au repos est en carré tandis qu'à l’état excité, il sont en disposition de polygone. L’écart entre les cristaux est donc réglable et il jouerait un rôle essentiel dans le changement de couleur. Ils effectuent ensuite des expériences sur des échantillons de peau et observent la réponse optique à l’échelle cellulaire.
“En leur faisant subir un choc osmotique lors d’une immersion dans l’eau salé, les cellules se vident de leur eau et se contractent en générant un changement de couleur un peu similaire à ce qui se passe sur le caméléon. en une minute on passe du bleu au rouge !” dit Jérémy teyssier.
Les théories pigmentaires sont donc oubliées, laissant place à un changement de couleur effectué grâce à l’écartement entre des nanocristaux disposés dans l’épiderme.
Ainsi, lorsque la lumière incidente arrive sur la peau du caméléon, elle traverse la peau puis arrive sur le maillage de cristal de guanine. L’écart entre les cristaux transforme la longueur d’onde de la lumière incidente par réflection. Lorsque le caméléon est au repos, les ondes bleues sont réfléchies et les longueurs d’ondes plus grandes traversent le réseau de cristaux sans interaction. Additionnées aux pigments naturels jaunes, le caméléon parait vert. Lorsque le caméléon est excite, l’écart des cristaux s’agrandi reflétant ainsi les longueurs d’ondes plus grandes tel que le rouge. Et le caméléon parait d’une couleur rouge vif !

Modélisation 3D des cristaux au repos ainsi que la longueur d'onde émise.

Modélisation 3D des cristaux à l'état exité ainsi que la longueur d'onde émise.
Le changement de couleur réside donc dans la nanotechnologie optique par utilisation de la diffraction du spectre lumineux. Ces découvertes s'avèrent finalement être une réelle avancée dans la nanotechnologie comme dans la biologie. Mais il nous reste encore une énigme non résolue. Comment le caméléon procéde-t-il à la régulation de l’espace inter-cristaux? Les biologistes émettent l'hypothèse que l'épiderme possède un “robinet” pour réguler le volume d’eau de la strate épidermique, mais celq n’a pas encore été prouvé scientifiquement. Mais d’autres chercheurs ont déjà mis au point une reconstitution formel de ce procédé.
Des couleurs élastiques
Dans le domaine du camouflage, les principaux intéressés sont évidemment les militaires. Leurs utilisations du camouflage s'effectuent sur les plans visuel, thermique, sonore et électromagnétique (radar). La récente découverte concernant la méthode du caméléon pour changer de couleur pourrait permettre une avancée majeure dans la course à la discrétion.
En effet une équipe d’ingénieurs d’une université de Californie s'est penchée sur le sujet et a étudié la manière dont les différents espacements entre les cristaux de l'épiderme régissait à la réflexion de la lumière. En utilisant les connaissance précédentes sur la diffraction du spectre lumineux par les réseaux optiques, ils ont alors pu concevoir un matériau élastique (extensible à l’ordre du millimètre) qui, selon le degré de tension exercé, apparaîtra de différentes couleurs.
Représentation artistique de
l'innovation poly-chromatique
Les chercheurs ont utilisé une très fine plaque de silicium (120nm d'épaisseur), qu'ils ont travaillée avec des appareils permettant une gravure nanométrique. Cette plaque de silicium (Fig. a) est alors parcouru de « crêtes » dont la largeur, l'épaisseur et l'espace entre chacune varie selon la couleur de base voulue. Cette disposition des crêtes forme un réseau de diffraction. Elles sont réunie en bandes formant des pixels carrés de 100μm de coté, ceux-ci également réunis pour modéliser une mosaïque de quatre carrés de coté 1cm ayant chacun une couleur de base imposé par les caractéristiques des crêtes. La plaque est enfin emballée dans du silicone (polydimethylsiloxane) afin d'obtenir un objet reproduisant une texture de tissu humain. On peut observer quatre carrés de couleur Vert (A), Jaune (B), Orange (C) et Rouge (D).
Mosaïque des carrés A, B, C et D

Schéma du réseau par diffraction d'Optica

Les tests effectués sur le motif A (vert) ont étaient réalisé avec un L.A.S.E.R. émettant une radiation à 532nm, il a alors était observé que la réflexion maximal du composant était de 88,3% (Fig.3 a).
L'autre expérience est celle de la déformation de la plaque pour constater les variations de couleurs. L'écart séparant les crêtes est dépendant de la force de tension appliqué sur la plaque de silicium. On remarque que le changement de longueur d'onde est proportionnel à la force exercée sur la plaque (Fig.3,g), et que sa valeur augmente lorsque la plaque est étirée,
La vidéo réalisé par l'équipe de chercheur montre la variation de la couleur selon l'énergie développé sur la plaque.
Vidéo de démonstration
du prototype d'Optica
On retrouve la différence entre l'état initial et l'état final dans le document de la Figure 3,h et après seulement un étirement de 4,9 % (soit 0,49mm) la couleur passe du vert (541nm), au rouge (580nm) en passant par le jaune, soit une différence de 39 nm de longueur d'onde . On peut alors prévoir un changement de couleur plus évident sur la partie de la plaque initialement verte que sur la rouge. L'échelle de couleur du motif a fleur (Fig.3,i) Montre les variations possible des couleurs selon le degré d'étirement du composé.
Figure 3 :
Le caractère élastique de l'objet permet de « sélectionner » la couleur en fonction de la demande. Les résultats obtenus sur ce prototype sont directement inspirés du caméléon et ouvrent de nouvelles possibilités quant à l’utilisation des couleurs pour les camouflages militaires. Jusqu'à présent les carrosserie, tissus et équipements militaires sont fabriqués en fonction de la région géographique où il seront utilisés. Parmi les matériaux déjà fabriqués et utilisés dans la vie quotidienne ayant la capacité de changer de couleur, on peut évoquer les composants électro-chromes présents notamment dans les vitres, ceux-ci permettent de teinter plus ou moins le verre, voire même de le rendre opaque grâce à une action électrique.