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DOMAINE CIVIL

“Le danger dans le passé était que les hommes deviennent des esclaves.
Le danger dans le futur est qu’ils
deviennent des robots.”
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Erich Fromm - Psychanalyste

   Venons en maintenant à notre vie de tous les jours. Nous avons l’habitude de voir la majeure parties des innovations réservées aux domaines précédents. Pourtant dans un contexte de développement durable, de robotisation de l’aide à la personne, bref, de “futurisation” de la société, le caméléon s’invite peu a peu dans notre espace de vie quotidien.

 
Le caméléon : un oeil de lynx ?
 

    Nous avons vu précédemment comment la langue du caméléon pouvait être une arme redoutable pour la chasse. Mais avant de pouvoir l'utiliser, le reptile doit, comme tout bon chasseur, repérer puis traquer ses proies. Pourtant cet animal nous apparaît comme totalement immobile, ou ne se déplaçant que très lentement. Il doit alors compenser son immobilisme par une capacité visuelle hors du commun. Mais le caméléon est myope de 12 dioptries, ses yeux ne lui permettent pas de voir en relief ni par faible luminosité. Malgrès cela, il ne rate jamais sa cible. Cela implique que pour trouver ses proies puis les capturer, le caméléon possède des atouts extrêmements performants compensant largement ses déficits.

 

 

 

 

 

 

 

 

    Le caméléon est un animal diurne car sa rétine ne possède presque pas de bâtonnets mais dispose au contraire de trois types de cônes différents, l’homme et le caméléon partagent ainsi un domaine du visible similaire excluant les Infrarouges et les Ultraviolets.

Proportionnelement, l'oeil du caméléon est le plus gros du vivant.

    De plus, le caméléon possède une vision binoculaire hors du commun. Dans un premier temps l’angle de rotation de chacun de ses yeux est de 180° horizontalement et de 90° verticalement. Cela lui permet donc d’observer son environnement sur un large champ de 360°. Ses yeux, disposés de part et d’autres de sa tête, ont la capacité d’effectuer leur rotation de manière individuelle. Le reptile peut ainsi sélectionner deux angles de vue différents en même temps, et cela à une vitesse importante ; chacun des yeux est mu par six muscles et possèdent une capacitée d’accomodation dans les environs de 60 dioptries par seconde.

La vision indépendante des yeux du caméléon

Reproduction théorique du champ de vision du caméléon

    Cette prédisposition du caméléon est un atout majeur dans la chasse et la capture de ses proies car il peut les repérer sans se déplacer et donc sans consommer de sa précieuse énergie ni augmenter sa température corporelle.

La caméra binoculaire produit par Oregon Scientific immite directement le caméléon 

    On trouve ainsi de nouvelles caméras reproduisant la vision indépendante des deux yeux du reptile et d’autres pouvant même reproduire une image sur 360° en utilisant plus de deux objectifs. Ce type d’imagerie permet de reproduire des panoramas de haute qualité sur de grands angles en joignant bord à bord les images prisent par les multiples caméras.

Les appareils multi-objectifs comme le prototype Ozo développé par Nokia (à gauche) permettent de filmer des vidéos sur 360° comme celle mise en exemple ici à droite.

Des difficultées pour lire ou changer d'angle de vue sur la vidéo ? Cliquez ici

  Un autre atout de sa vision est issu de la composition même de son oeil. Celui-ci lui permet d’accommoder de manière très efficace grâce à la disposition de son cristallin et de sa cornée. En effet le cristallin étant légèrement concave, il agit comme une lunette grossissante avec la cornée convexe conférant ainsi au caméléon la capacité de “zoomer” sur ce qu’il focalise. On pourrait ainsi le comparer à un téléobjectif de 100/135 mm.

    Les muscles agissant sur le cristallin sont dotés de capteur permettant de donner à l’animal une idée précise de la distance le séparant de sa proie. Ce système d’estimation de distance est du au calcul de la divergence du cristallin par le cerveau en fonction de sa forme. On pourrait de la même façon utiliser l’optique pour reproduire cette évaluation de distance comme le télémètre à coïncidence. Son système met emplace la coïncidence de deux images prisent latéralement et juxtaposées. On ajuste alors les images avec un jeu de miroir. Lorsque les deux images sont condues et forme une seul image nette on peut alors calculer la distance grâce au calcul du cosinus dans le triangle rectangle.

Télémètre 1

Télémètre à coïncidence utilisé par un soldat de 14/18

Télémètre 2

Schéma de l'optique du télémètre

Télémètre 3

Superposition des images, avant et après ajustement

Télémètre 4

Schéma du triangle rectangle en fonction de l'angle du miroir

Un reptile chaleureux

    Le caméléon est un reptile, et il est capable comme ceux de sa famille de réguler sa température. C’est aussi un animal ectotherme, sa température interne peut varier et dépend entièrement des facteurs environnementaux. La plupart des animaux sont ectothermes sauf les oiseaux et les mammifères. Chaque espèce possède un seuil de température optimale que l’on nomme T.M.P (Température Moyenne Préférentielle). La T.M.P. peut varier entre 20 et 30 °C, par exemple les caméléons situés dans les montagnes ont une T.M.P. de 25°C tandis que ceux des plateaux chauds en ont une de 30°C. Les femelles ont une T.M.P plus élevée que les mâles. Le but de l’animal est de l’atteindre, puisque si sa température descend trop au-dessous de sa T.M.P, il ne peut ni digérer ni se défendre contre les maladies, de plus ses reins ne fonctionnent pas correctement et des dépôts d’acide urique se forment alors dans l’organisme.

 

 

  Pour se réchauffer, le caméléon se positionne au soleil le plus perpendiculairement face aux rayons pour capter le mieux possible la chaleur. Il adopte aussi une couleur foncée pour mieux absorber les rayons infrarouges et augmente son rythme cardiaque pour mieux absorber cette chaleur.  Mais si sa température augmente trop, il se positionne alors à l’ombre avec une couleur claire en ouvrant la bouche pour ventiler la langue sortie. Certaines espèces de caméléons

cherchent même un abris souterrain ou creusent eux-mêmes un trou pour se mettre dedans. D’une manière générale, le caméléon résiste mieux à l’hypothermie qu’à l’hyperthermie, certains caméléons résistent même à des gelés nocturnes.

 Lors de la découverte des couches de nanocristaux par Michel Milinkovitch il a aussi été découvert une seconde couche de cristaux. Une découverte en entraîne souvent une autre ! Les lézards possèdent une strate dermique profonde qui est composée de cristaux larges, celle-ci est essentiellement composée de guanine et est désordonnée, mais celle des caméléons est elle aussi très épaisse et elle permet de réfléchir les rayons infrarouges du soleil. Le caméléon panthère (Madagascar) peut réfléchir jusqu'à 50% de la puissance émise par le spectre solaire dans les infrarouges. Mais le caméléon Kinyongia matschiei (Tanzanie) réfléchi jusqu'à 95% des rayons !

 

Les différents couches de cristaux selon les espéces de caméléon ou de lézard.

 

“La couche profonde d’iridophores participe à une meilleure réflectivité de sa peau et pourrait donc jouer un rôle important dans sa thermorégulation.” dit le professeur Milinkovitch.

 

 

    C’est sûrement ce qui explique que le caméléon est capable de rester au soleil lors des températures les plus élevées sans surchauffer. Cette découverte a permis de mettre au point de nouvelles technologies d’isolation. Une peinture isolante utilise par exemple le même procédé.

 

    La peinture isolante est issue de la recherche spatiale. Elle a été créée dans les années 70 pour revêtir les navettes. Elle permettait à celles-ci, lors de leur rentrée dans l'atmosphère, de ne pas subir de trop fortes variations de température. Elle était composée de micro billes de céramique pour réfléchir la lumière. Elle s’utilise maintenant pour couvrir et isoler les murs intérieurs, les façades ou les toitures. C’est une peinture acrylique à base d'eau. Elle est composée de quatre éléments céramiques pour avoir la meilleure réflectivité possible. Deux éléments céramiques agissent comme réflecteurs, le troisième agit comme espace sous vide pour isoler du froid et le quatrième arrête 92% des rayons Infrarouges. Ces éléments réunis arrêtent 95% de la chaleur rayonnante. Ils sont liés entre eux par différentes résines. Cette composition lui offre un fort pouvoir isolant et réflecteur qui améliore nettement l'isolation thermique de la surface peinte. Comme on peut le voir sur la photo ci-dessous, un cabanon est peint avec une peinture à base de céramique (à gauche) et l’autre avec une peinture normale (à droite). La photo est prise à l’aide d’une caméra thermique et l’on peut voir que la peinture isolante fait effet.  La performance d'isolation thermique de la peinture isolante céramique est supérieure à 12 cm de mousse de polyuréthane ou à 20 cm de laine de roche. En effet, en repoussant la chaleur dès la surface, les notions d'épaisseur et de conductivité ne sont plus des facteurs importants pour l'isolation. Cette peinture isolante est aussi respectueuse de l'environnement et contient peu de CO² (environ 20 g/L).  

 

 

Vision thermique de surface avec une peinture isolante (à gauche) et une peinture ordinaire (à droite).

    Ainsi la thermorégulation est utilisée aussi bien dans le spatial que dans l’habitat. Bien que l’utilisation de cette technique d’isolation soit antérieure à la découverte de ce fonctionnement chez le caméléon. Mais peut on utiliser ces technique sur d’autres matériaux tel que les tissus ? Pour concevoir des vêtements thermorégulables par exemple?

Conclusion

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